Les « religions du Livre » II – les Vertus

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Dans la veine du précédent article, je reviens sur mes sources d’inspiration mythologiques et notamment la religion judéo-chrétienne (dans le respect des croyances de chacun). Après les péchés « capitaux », passons aux sept Vertus catholiques. Nettement moins connues que les Sept Péchés Capitaux, auxquelles elles s’opposent en partie. Elles se décomposent en deux groupes : cardinales (propres à l’Homme) et théologales (accordées par Dieu).

– La Prudence : principale des vertus cardinales, elle est assimilée à la raison développée par les philosophes grecs avant même l’ère chrétienne. Elle incite à réfléchir posément au lieu d’agir dans l’impulsion. Elle est censée, de façon très manichéenne, aider à dissocier le Bien du Mal. Dans l’art Renaissance, elle est associée à un miroir (où seule la vérité se reflète) et à un serpent (le mensonge) tenu d’une main ferme pour l’empêcher de nuire. Son opposé serait l’insouciance, le fait de ne rien anticiper et de ne jamais se préoccuper des conséquences.

– La Tempérance : très chère aux croyants radicaux, c’est la maîtrise des désirs et des instincts. Notamment ceux ayant trait aux Péchés Capitaux : l’attrait pour la nourriture et la boisson, les biens, le sexe… Mais aussi contrôler ses envies de violence, de vengeance ou de vanité. Pourtant, s’il faut se montrer mesuré en tout, n’est-ce pas également le cas quand on fait preuve de retenue ? N’est-il pas bon de libérer ses frustrations de temps à autre ? De façon générale, il s’agit de demeurer modéré et de respecter l’ordre, en accord avec les valeurs morales de la société. Son attribut est deux coupes que l’on transvase, pour utiliser le juste dosage. Ses opposés seraient les excès.

– La Force d’âme : la plus nébuleuse des vertus cardinales. Ce serait un équivalent du courage, de la capacité de résilience face à toutes les difficultés de la vie, l’aptitude à surmonter les obstacles et (en lien avec la tempérance) à résister aux tentations. Elle vainc la peur de la mort et de la douleur. Elle se manifeste aussi bien dans la paix que dans la guerre par l’honneur, la charité et la mansuétude. Mais, à tort, certains théologiens y associèrent la force physique (cela devenait donc un apanage masculin et rejetait le péché sur la femme). On la figure comme une princesse couronnée levant un glaive. La lâcheté et la vilenie sont ses opposés.

– La Justice est la dernière vertu cardinale. Elle naît des trois autres. Comme les précédentes, elle n’est pas une invention chrétienne mais un héritage grec. Elle est la volonté, constante dans le temps et dans l’intensité, de donner à chacun ce qui lui est dû – c’est, dès lors, extrêmement subjectif. Elle incite aussi à ne pas vouloir les propriétés d’autrui (même quand on ne possède rien) et à ne pas accorder de valeur à sa vie si on peut la sacrifier pour le bien commun. Elle renvoie à la morale, donc elle varie selon les lieux et les époques. Ses symboles sont bien évidemment une balance et l’épée qui rend les jugements. Elle s’oppose à l’iniquité, la jalousie et l’envie.

– La Foi est une vertu théologale qui consiste en une confiance aveugle en la Bible et en l’Église, censées être les vecteurs infaillibles de la vérité divine. Car la piété incite aussi à se méfier de tout ce qui n’adhère pas à cette certitude. Elle ignore toute nuance. La foi est temporaire : au Jugement Dernier, Dieu apparaîtra et aucun doute ne subsistera. On ne peut que regretter le caractère absolu et manichéen, mis à mal par la science moderne. Ses emblèmes sont le livre (la Bible), la coupe (chargée d’hosties) et la colombe (l’Esprit Saint). Ses contraires sont l’impiété mais aussi, indirectement, la curiosité et le scepticisme.

– L’Espérance est le cœur de la religion, puisque c’est la ligne de conduite qui pousse à respecter la morale dans l’espoir d’entrer au Paradis. C’est donc assez vénal. Néanmoins, elle est indispensable à toute société, y compris si elle n’est pas cultuelle. L’éthique, si subjective qu’elle soit, maintient l’ordre public. Là encore, la « fin des temps » fera cesser cette vertu car tout sera accompli, il ne sera plus l’heure de changer son attitude. On la représente par une ancre, qui rend ferme dans la « tempête » de l’existence, voire par une barque qui incarne la vie. Elle s’oppose au désespoir et, comme à la tempérance, à quiconque subsiste librement sans peur du lendemain.

– La Charité, enfin, est l’amour des autres… mais surtout l’amour de Dieu avant toute chose, même soi ou les siens. C’est la plus importante de toutes les vertus. Elle survivra au Jugement Dernier car Dieu sera présent, or Dieu est la charité. CQFD. D’ici là, elle s’applique dans la bonté et le partage. C’est donc un concept plutôt flou et elle n’a aucun attrait sinon l’entrée au Paradis, aucune loi physique ne la rend obligatoire. Ses symboles sont des enfants, des femmes dépoitraillées et bras ouverts (incarnant l’accueil et la nourriture), ou un cœur enflammé. Son contraire est l’égoïsme, il renvoie au péché d’Avarice.

Qu’on y adhère ou non, il est toujours intéressant de se pencher sur la façon de penser d’autrui, dans le but de mieux comprendre le monde. C’est ce que j’ai fait en amont de l’écriture de plusieurs romans, et ce que vous avez fait en lisant cet article, alors merci de l’avoir suivi ! Dans les faits, les sept vertus sont difficiles à placer hors de leur contexte, car bien plus subjectives que les péchés ; je ne les ai donc pas encore employées. Sur un prochain projet, sans doute.