Rapports à la religion dans la saga

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Être transparent, à l’image de ce titre très informatif, est ma volonté du jour. Après vous avoir renseigné sur mes sources dans les « religions du Livre », vient le sujet du rapport à la Religion (toutes croyances confondues) véhiculé par mes écrits.

Même si je ne me pose pas souvent la question, je pense pouvoir être rattaché au scepticisme. En effet, bien que cela puisse sembler étrange pour qui imagine des mondes pleins de magie et de créatures surnaturelles, je suis de formation scientifique et j’ai l’esprit très cartésien. Or, il n’y a aucune preuve savante qui confirme ou infirme l’existence d’un ou plusieurs dieux. Si les divinités sont souvent présentes dans mes romans, je n’affirme donc ni leur réalité ni leur irréalité dans la « vraie » vie, ils restent dans le domaine de la fiction. Et quand bien même j’aurais eu une croyance, des ouvrages de divertissement à l’attention du grand public ne sont pas un bon théâtre pour en vanter les mérites.

J’ai aussi une tendance « déiste », cette philosophie qui admet l’existence d’une force supérieure (c’est un peu pour cela que j’ai arrêté les études de science…) mais refuse de l’appeler Dieu, au moins dans la vision qu’en donnent les religions. La construction de mon univers régi par l’Équilibre et ses enfants, le Destin et Dame Nature, en est un excellent reflet.

Après avoir analysé une quarantaine de panthéons venus de tous les coins du globe, je peux toutefois dégager de leurs légendes que les dieux ne sont pas des êtres parfaits. En proie aux mêmes travers que les humains (jalousie, colère, passion…) et souvent cruels envers ceux qui les défient, ils n’ont vraiment rien de propre à inspirer le respect, si ce n’est leur pouvoir miraculeux. Pourquoi donc leur rendre cette vénération imméritée ? Par crainte d’une part, afin d’éviter une vengeance. Par intérêt ensuite, bien qu’ils répondent rarement aux vœux. Ce n’est ni plus ni moins que du racket, l’expression de la loi du plus fort.

Inconsciemment, je pense que cette conviction m’a aiguillé quand j’ai créé les Gardiens, ces êtres eux aussi immortels et capables de prodiges magiques mais droits, honnêtes, discrets (loin des cultes tape-à-l’œil). Ils sont détestés des dieux car ils leur font concurrence, mais également parce qu’ils leur renvoient leurs défauts. Là encore, s’ils sont un peu idéalisés, les Gardiens ne sont pas parfaits : ils sont juste bienveillants et ça fait déjà une sacrée (sans mauvais jeu de mots) différence avec les divinités. Enfin, les Gardiens ne craignent rien ni personne, ni déités ni démons qu’ils surclassent, et cette impudence s’est transmise à leurs enfants les Sang-Mêlé.

Qu’en est-il de mes autres personnages ? Certes, Salamandre la fragile humaine se montre respectueuse envers les dieux, elle n’est qu’une humble villageoise… mais jusqu’à un certain point. Sa première rencontre est avec Belisama, et sa tutrice la met vite à l’aise au lieu d’exiger une admiration exagérée. Ensuite, elle tient tête et – bien malgré elle – menace Manannan. Le Corbeau apparaît comme un simple oiseau et, de fait, n’inspire pas la crainte. Quilla n’intervient pas directement et Amaterasu n’est qu’une voix. On est loin de la terreur superstitieuse que sont censées instiller les divinités. Et je peux vous garantir que, grâce au secret qu’elle découvre à la fin de son premier voyage, Salamandre ne les redoutera plus par la suite (même si elle continuera d’en croiser beaucoup).

Pour ce qui est de Cordélia, on suit ce même modèle d’humaine fragile face aux dieux tout-puissants, que l’insolence typiquement « gardienne » d’Amber va d’abord choquer. Et cela, bien que Cordélia ne soit pas bigote, sa vie compliquée ne lui permettant pas de s’embarrasser de considérations religieuses (en atteste son premier échange avec l’ange Luxdel qui ressemble plus à une conversation au café)… En voyant l’état lamentable de son monde, toutefois, Cordélia commence à sentir sa foi vaciller.

Dans les quatre cas, il n’est donc pas question de se demander si les dieux existent, c’est un fait admis. Mais de savoir dans quelle mesure ils méritent tout ce qu’on leur donne. Et aussi, à quel point ils sont dignes (ou pas) de confiance.