Cette pièce est fréquemment mentionnée dans les différents tomes. Améliorée par les générations successives, elle est pour les Gardiens un élément essentiel de leur travail. Même si ces êtres ont une mémoire adaptée à leur longévité, ils ne peuvent (pas plus que nous) se souvenir de toutes les choses qu’ils voient au cours de leurs trépidantes journées.
Toutefois, ils se font un devoir de consigner chaque point de culture de chaque civilisation rencontrée. L’architecture, la nourriture, la religion, le système politique et quelques dates historiques glanées auprès des anciens, sans oublier des cartes aussi précises que possible des lieux visités, sont les principaux éléments permettant de décrire un peuple. Pour compléter leurs propres « notes de voyage », les Gardiens arrivent toujours à se fournir des copies de nombreux ouvrages locaux. Quitte à ensuite faire un bref travail pour recouper leurs informations avec celles-ci et démêler le vrai du faux.
Ces informations sont précieusement rangées et archivées par des créatures magiques (il existe des espèces, par exemple chez les « lutins », qui se dédient du début à la fin à l’entretien des bibliothèques) en vue d’être réutilisées le jour où un autre Gardien – ou le même s’il a des lacunes – devra retourner auprès de ce peuple. La principale contrainte est le facteur temporel : une civilisation peut se métamorphoser du tout au tout en quelques siècles et les données ne plus être à jour. Par bonheur, la plupart des cultures de l’Univers sont les adeptes de divinités, qui par essence sont contre les changements et vont donc (involontairement) simplifier la tâche aux Gardiens en limitant les évolutions des sociétés leur étant dévouées.
En ce qui concerne la bibliothèque en elle-même, c’est un lieu bâti en quatre dimensions, seul recours pour compresser des dizaines de milliers de livres et les rendre faciles d’accès. Lorsqu’on entre dans la pièce, elle semble petite, mais avancer sans but est le plus sûr moyen de s’y perdre : il faut s’engager dans les rayonnages en ayant en tête quelques mots-clés ou thèmes pour atterrir devant ceux renfermant les informations relatives. Cela grâce à un enchantement très complexe mais ô combien utile, quand on sait la quantité de documents qui s’ajoute chaque année à ces archives !
Dans leurs quartiers secondaires du Palais Solaire, chaque Gardien possède une porte menant à la bibliothèque (qui, sans magie, déboucherait sur un mur) : c’est bien la preuve que ce lieu est partout et nulle part à la fois dans la poche dimensionnelle où est bâti leur château. Mais n’entrons pas dans les détails fastidieux et horriblement épineux de ces distorsions spatiales à répétition…
Avec la venue au monde de leurs enfants au sang-mêlé, les Gardiens ont appliqué un charme supplémentaire sur la bibliothèque : ainsi, leurs héritiers peuvent le parcourir en esprit durant une phase bien précise de leur sommeil. Curieuse façon de rêver, me direz-vous. Mais les Gardiens ne font rien comme les autres ! De fait, un usager endormi peut y croiser un visiteur éveillé alors que son corps est tranquillement au fond de son lit. Là encore, on s’habitue vite à ce genre de bizarreries en fréquentant les Gardiens. Un enchantement supplémentaire permet à la bibliothèque de reconnaître ses occupants (quelques employés du clan y sont aussi les bienvenus) et de bloquer l’accès à certaines allées, contenant des informations plus « sensibles », en fonction de chaque personne. Même certains Gardiens, jugés encore trop jeunes, se sont déjà vu refuser par leurs aînés la possibilité de compulser des documents.
Terminons en évoquant ce qui fait la fierté des Gardiens : cinq recueils géants, posés sur de hauts présentoirs, dans lesquels sont rassemblées toutes les connaissances du clan sur un sujet particulier. Le plus souvent utilisé est la GENESE (Grande Encyclopédie Naturelle des « Êtres ayant Spécialement Évolué », donc des créatures magiques). Comprenant plus de trente mille pages, ce livre est l’ouvrage de cryptozoologie ultime : il renferme les notions générales des Gardiens sur toutes les espèces fabuleuses de l’Univers (pour les détails, il y a parfois des références à d’autres livres de la bibliothèque dédiés à ce domaine).
On trouve aussi deux livres un peu plus petits : l’ACTE (Atlas Complet des Terres Étranges, autrement dit un atlas universel) et la GEMME (Grande Encyclopédie des Minéraux et des Minerais Étrangers). Et deux encore plus gros : la MEMO (Maxi-Encyclopédie des Métazoaires Ordinaires, pour tous les animaux non magiques) et le RESPIRE (Registre Encyclopédique Sur les Plantes Intermondiales ou plus Rarement Endémiques) qui, traitant à la fois des végétaux magiques et non magiques, dépasse les cinquante mille pages.
Un sortilège permet, en posant simplement la main sur l’un de ces livres et en prononçant le nom de ce que l’on cherche, de voir les pages défiler seules jusqu’à celle qui nous intéresse. Encore une fois, cela sort du cadre de la « vie facile » et entre dans celui de l’obligation : même les Gardiens n’ont pas toute l’éternité pour feuilleter ces géants d’un bout à l’autre ! Mais avec ça, ils peuvent trouver des parades à toutes les situations et évitent aux populations de l’Univers bien des problèmes dont elles n’ont jamais eu conscience.