C’est un hasard qui est à l’origine de cet article. En effet, en rangeant des papiers il y a quelques années, j’ai retrouvé quelques feuilles écrites quand j’étais gamin pour présenter les Gardiens. Ou du moins une première mouture, très éloignée de ce qu’ils sont actuellement. Je vous avais promis le making of des Gardiens : quoi de mieux, dans ce cas ? À l’époque, les Gardiens étaient divisés en deux groupes de six (il n’y avait que douze éléments) qui se faisaient la guerre : il y avait un groupe pour la Lumière et un pour les Ténèbres. Chacun avait un chef, un « espion », un « sergent », un « guérisseur »… L’idée de les réunir sous la bannière d’une force neutre, l’Équilibre, m’est venue plus tard. De même, ils avaient de nombreux attributs magiques (des bracelets, des armures, des clés, etc.) : je n’ai gardé que leurs armes, dont je me sers très peu dans la série mais davantage dans les nouvelles écrites avant la parution du premier tome.
Mais les changements vont bien plus loin : ainsi, le Gardien de l’Air lié à la Balance s’appelait jadis Grégory et non François. Nicolas était bien le Gardien de la Glace, mais cet élément était lié au Bélier. Le Verseau était le signe lié à la Vie et son Gardien, déjà chef de son groupe, se nommait Jean. Robin était bien lié au Sagittaire, cependant c’était à la base le signe de l’élément Plantes. Qui s’appelait à l’époque « Végétaux », mais le nom était trop savant, puis s’est appelé « Arbres » mais ce mot n’était pas représentatif car les pouvoirs du Gardien des Plantes s’étendent bien au-delà des arbres. Il y a aussi eu un essai de « Gardien de la Nature » mais cela créait une confusion avec Dame Nature, qui maîtrise vingt des vingt-quatre éléments.
La Pierre était liée au Capricorne et sa Gardienne s’appelait Doris. Le Laser était lié au Cancer et avait pour Gardienne Paulette. La Gardienne de l’Esprit, déjà liée à la Vierge, se nommait Carmen (prénom que j’ai changé mais réutilisé chez les Nouveaux Gardiens). Finissons avec les Gémeaux : il n’y avait à l’origine qu’un Gardien (une dénommée Charlotte, qui s’est ensuite transformée en Henri) pour ce signe et son élément était la Lave. Mais, trop proche du Feu, cet élément a disparu pour laisser place à un autre basé sur la puissance physique. J’ai essayé six noms différents, parmi lesquels « Lutte » (un style de combat trop précis), « Duel » ou « Guerre » (trop violent). J’ai fini par opter pour le Combat, terme qui sous-entend de l’honneur et des règles à l’inverse de la guerre. Et le Combat a finalement échu au Sagittaire, tandis que la Vie allait aux Gémeaux et les Plantes au Cancer.
Ce qui s’est passé après, je n’en ai plus trace, je le raconte de mémoire. En écrivant des nouvelles il y a dix ans, je me suis aperçu que l’Univers des Gardiens était trop limité et j’ai inventé douze éléments supplémentaires. Ça ne s’est pas fait en une fois : l’Espace était à l’origine le Plasma, un élément censé être l’inverse du Laser, puis je l’ai transformé et ai eu l’idée d’ajouter le Temps en opposition. Comme il y avait la Vie, il fallait obligatoirement mettre la Mort, avec des jumeaux pour équilibrer. La Lumière et les Ténèbres sont passées de deux camps manichéens à deux éléments plus complexes. Je me suis inspiré de plusieurs mangas pour trouver les éléments restants… sauf un.
J’en étais arrivé à vingt-trois mais je n’avais plus d’inspiration. Parmi mes candidats pour la dernière place, j’avais le Rêve, la Musique et les Couleurs. Finalement, j’ai rassemblé tout cela sous le terme Arc-en-Ciel, l’élément des enfants et de l’innocence. Il y a ensuite le défi de les lier aux signes du Zodiaque oriental puis de créer les personnages associés. Au début, l’écart d’âge (un an à chaque fois) des Nouveaux Gardiens suivait la succession des signes du Zodiaque. Mais dans mes premiers « jets » du deuxième tome, cela posait des problèmes pour la personnalité des Nouveaux Gardiens : je devais soit changer leur âge, soit changer le signe auquel certains étaient associés. J’ai choisi la première solution, arguant que les Gardiens avaient dû recruter des apprentis dans l’urgence et ne pouvaient se permettre de sélectionner une année de naissance pour un signe en particulier (ils auraient manqué de candidats).
Comme vous pouvez le constater, créer un univers est une procédure longue et compliquée. Chaque nouvel élément remet en question ce qui a été déjà fait et il faut sans cesse s’interroger sur la pertinence de tel ou tel choix, tant qu’on le peut encore (même aujourd’hui, j’aimerais revenir sur certains éléments mis dans les tomes déjà parus, mais je ne peux pas par souci de cohérence : ce qui a été publié devient une vérité impossible à remettre en cause). Ce travail, je le fais depuis quinze ans. Les personnages créés dans la cour de récréation ont pris de la substance en passant sur le papier, mais ont été confrontés à de nombreux obstacles et questions pour acquérir leur forme finale. Vingt-six Gardiens et vingt-quatre éléments pour une seule mission : vous divertir dans la tension, dans l’humour ou dans l’aventure sur fond de voyages épiques et de sauvegarde de l’Univers. Et ce n’est pas fini !
Chaque Sang-Mêlé est l’occasion de se réinterroger sur la magie et l’Univers des Gardiens. Ainsi, comment Ludwig parviendra-t-il à maîtriser le Feu en étant si réservé, comment Eden pourra-t-elle maîtriser la Glace avec un tempérament si volcanique ? Arriveront-ils à assimiler les techniques habituelles, ou devront-ils créer un nouveau style qui leur correspond, comme l’ont déjà fait les triplés avec la magie de la Vie ? Il y a aussi l’interaction fondamentale entre la Lumière et les Ténèbres : leurs rôles étaient bien tranchés avec Aurélia et Zacharie, mais deviennent de plus en plus flous jusqu’à finir par s’inverser avec Zoé et Jude.
C’est aussi l’occasion de développer certaines des mille et une façons de faire de la magie autrement qu’en suivant l’enseignement des Gardiens : Aaron maîtrise un « Cercle » où les rapports entre éléments sont différents, les jumelles emploient des pouvoirs non élémentaires… Chaque page écrite élargit l’Univers des Gardiens et rend possible ce qui était auparavant impossible. Cela vous permet, amis lecteurs, de plonger toujours plus loin dans l’imaginaire et le surnaturel. Et vous en redemandez ! Alors merci : c’est pour vous que je continue à écrire, depuis tout ce temps. Car, à l’échelle de ma vie, les Gardiens sont vraiment très anciens !